Article Inrockuptibles numéro ???
ANGELA, 15 ANS
de Scott Winant
avec Claire Danes, Bess Amstrong
Sitcom
Avec un titre pareil, et la mention "sitcom", on pense illico à
Hélène et les abeilles
et autres
Le miel et les garçons.
On a tort. Sitcom ne rime pas forcément avec pensum. Et le titre en VO,
My so-called life (Ce qu'on appelle ma vie)
traduit bien mieux le propos: le quotidien d'une adolescente américaine entre famille
et lycée, et le décalage toujours croissant entre cette réalité pénible (les profs,
les parents, les copines jalouses, les mecs inaccessibles...) et des rêves aussi
merveilleux qu'improbables. On croyait avoir oublié sa propre adolescence, cette époque où
l'on prend tout au sérieux, où n'importe quelle émotion vire aussi sec à l'ivresse ou au
drame, sans aucun recul. En regardant
Angela,
toute cette période "acné & branlette" revient à la vitesse d'un boomerang. Qui n'a
jamais regardé ses parents avec des envies de meurtre ? Qui n'a jamais eu envie de sortir
avec Jordan Catalano, beau mec aux yeux de braise et à la conversation inexistante ?
On l'a dit, Angela, c'est l'anti-Hélène. D'abord elle ne ressemble pas à un mannequin :
les épaules basses, la démarche pataude, le look ingrat. Ensuite, les situations ne sont
pas aussi aseptisées que dans les décors en carton-pâte d'AB Productions. Pour leur
premier soir en boîte, sa meilleure copine, complètement bourrée, évite le viol de
justesse. Un des copains d'Angela est pédé, mais personne n'y trouve rien à redire.
Angela se frite sans arrêt avec sa mère, découvre que ses seins, de plus en plus
encombrants, font désormais obstacle entre elle et son père, compare les déjeuners à
la cantine aux scènes de réfectoire dans les films de prison, et finira par se faire
embarquer par les flics.
Bref, c'est la version trash de
La Boum.
Et outre ce réalisme qui n'a pas froid aux yeux, on célébrera un humour dévastateur
qui désamorce toute prétention de dossier ethnologique. Angela fait mentir Paul Nizan
: le pire âge de la vie n'est pas 20, mais 15 ans.
Olivier Nicklaus
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Article Inrockuptibles numéro 203
ANGELA, 15 ANS.
Série
Une silhouette d'asperge trop vite grandie, des cheveux fraîchement teints
couleur "rendez-vous d'automne", un visage tourmenté, contracté par d'irrésistibles moues,
une dégaine malhabile, alourdie par ce mal de cicre qui traverse l'adolescence...
Angela Chase a 15 ans, et soudain tout paraît compliqué. Ses proches semblent déconnectés,
ne la comprennent plus.
A commencer par sa mère dont elle ne supporte plus l'autorité, son père, dont elle s'éloigne
au fur et à mesure que ses seins s'arrondissent, et même Sharonn son amie d'enfance, qu'elle
délaisse pour Rayanne, une nymphette délurée nettement plus trash, qui fume comme
un pompier - et pas que du tabac -, passe d'un flirt à l'autre, enchaîne cuite sur cuite.
Mais comment reprocher aux autres autant d'incompréhension, quand on est soi-même rongé par le doute ?
Chaque événement qui peuple sa vie de lycéenne américaine - un sourire du beau Jordan
Catalano, un coup de feu tiré dans les vestiaires, une soirée qui se termine au poste de police -
provoque aussitôt euphorie, drame ou désarroi. Le moindre sentiment, la moindre réflexion de
son entourage soulève en elle une interminable valse hésitation qui la plonge dans un abîme
de culpabilité, d'incertitude ou de colère rentrée, le tout ressassé en voix off, dans un monoologue intérieur
plein de morgue et d'ennui. Un ton décalé, des répliques assassines, un humour grinçant, des dialogues
bien ancrés dans l'Amérique d'aujourd'hui... Tels sont donc les atouts majeurs de cette attachante
chronique de l'âge ingrat, creéée en 1994 par Winnie Holzman, sur une commande de la chaîne ABC.
En tout et pour tout, dix-neufs épisodes, hélas en VF, à savourer chaque soir sur France 2 durant
tout le mois de juin.
Précédemment diffusé en VO sur Canal Jimmy, Angela, 15 ans remporta lors de sa sortie
un succès d'estime à défaut d'audience et révéla dans le rôle-titre, la jeune Claire Danes,
qui a depuis conquis Hollywood dans Roméo + Juliette. Plus grunge que Dawson, son
homologue masculin, dont on a pu suivre les déboires sentimentaux tout l'hiver sur TF1, Angela
pourrait être la petite soeur d'Ally McBeal, ou, mettons, la même personne, à deux âges
différents : la quinzaine et la trentaine. Deux caps qu'elles franchissent douloureusement
avec cette autodérision et cette sensibilité à fleur de peau qui les rendent toutes deux si
craquantes.
Nathalie Dray
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